Elle avait lancé l’idée en l’air ; maintenant que c’était sur le point de se concrétiser, elle n’était plus du tout sûre d’elle.
Certes, cela faisait partie de son imaginaire de jeune fille solitaire depuis un bon moment déjà. Mais le doute l’assaillait soudain : « N’aurait-il pas mieux valut s’en tenir aux échanges qu’elle entretenait sur son blogue avec d’autres jeunes, qui comme elle, étaient passionnés par la culture gothique ? »
Heureusement, c’est finalement une copine de classe qui avait tout organisé. Elle s’était démerdée pour qu’elles puisent faire l’école buissonnière, elle avait invité leur copains respectifs à « une petite fête improvisée ».
Oui, elle était bien contente de l’avoir rencontrée cette Sophia qui semblait si sûre d’elle. Elle revenait tout juste d’un voyage en Russie ; la terre natale de ses parents. Elle affirmait que, selon elle, l’esprit gothique lui avait été inoculé à la naissance puisque la Russie était reconnue pour ses grandes envolées mystiques. On n’a qu’à penser à Raspoutine qui avait régné sur le cœur, le corps et l’esprit de la Grande Catherine.
Ce qui les reliaient toutes les deux ; c’est cette impression de ne pas être nées au bon moment, dans le bon siècle. Et surtout de n’avoir rien en commun avec tous ces gens qui peuplaient leur immeuble de banlieue tout pourave.
De toute façon, pour l’instant cela restait tout de même amusant. Elles se faisaient belles, se maquillaient, se pomponnaient. « Comme si nous allions au bal », souffla Émilie. « C’est exactement ça !!! » s’écria Sophia. « Le bal de notre vie. »
Ça y est, elles étaient prêtes. Les jeunes hommes et le repas aussi. Pauvres eux, si seulement ils savaient…
Tout se passait comme prévu. Elles enjambèrent la rambarde de la fenêtre de ce petit appartement du 17ième étage. Appelèrent Thierry et Brian. Au moment, où ceux-ci ouvrirent la porte ; elles s’élancèrent dans le vide.
Émilie entendit au loin le cri effaré de Thierry, son petit ami… Et c’est à ce moment précis qu’elle réalisa ce qu’elle venait de faire.
Mais il était trop tard. Et bizarrement, malgré son vertige, elle éprouvait une étrange sensation de bien-être. « C’est agréable de voler. » Elle regarda Sophia qui, les yeux fermés, se laissait chuter. Elle décida de s’abandonner aussi.
C’est ainsi que les toutes petites 14 années de vie d’Émilie se terminèrent. A-t-elle trouvé dans l’au-delà, les réponses qu’elle cherchait si ardemment sur Terre ? Je l’espère pour elle.
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